Lucien Péraire

L’esperanto : une langue pour la paix

À la fin du XIXe siècle, l’Europe est un endroit où de nombreux peuples et langues coexistent, mais cela crée aussi beaucoup de tensions. Les nationalismes, qui valorisent chaque nation au détriment des autres, se développent, entraînant des conflits et des inégalités, surtout pour les minorités linguistiques. Dans ce contexte difficile, la communication entre les peuples est compliquée, car chaque nation défend sa langue comme un symbole d’identité.

C’est alors qu’un homme, Louis-Lazare Zamenhof, un médecin juif Polonais a une idée brillante : inventer une langue pour le monde entier. Ce sera « l’esperanto« .
Cette langue doit être
simple, neutre, facile à apprendre et ne favoriser aucune nation. Elle n’a pas vocation à remplacer les langues nationales mais simplement permettre la communication entre les peuples, sur un pied d’égalité, pour favoriser la paix.

 

Définitions :

  • Nationalisme = Idéologie politique qui affirme la supériorité ou l’indépendance de sa nation.
  • Minorité linguistique = Groupe parlant une langue différente de celle de la majorité de la population.

 

Sommaire

 

 

1 – Qui était Zamenhof ?

 

Zamenhof, l’inventeur de l’Esperanto

 

Louis-Lazare (Lejzer Ludwig) Zamenhof est né en 1859 à Białystok, une ville située aujourd’hui en Pologne, mais qui faisait alors partie de l’Empire russe. Il vient d’une famille juive cultivée : son père enseigne les langues et la littérature. Il parle au moins neuf langues : russe, polonais, allemand, français, anglais, latin, grec ancien, hébreu et yiddish. Très tôt, il est confronté à un environnement multilingue et tendu : à Białystok, on parle russe, polonais, yiddish, allemand… Mais Zamenhof se rend vite compte que les conflits entre communautés sont fréquents. Pour lui, les malentendus linguistiques alimentent la haine. Il est convaincu qu’une langue commune pourrait favoriser la paix.

Il ne devient pas linguiste, mais médecin ophtalmologue. Soigner les yeux est une profession respectée lui permet de vivre tout en poursuivant ses projets personnels. Durant ses études, il travaille sur sa langue idéale : une langue simple, régulière, inspirée des langues européennes mais plus logique. En 1887, à 28 ans, il publie un petit manuel sous le pseudonyme de « Doktoro Esperanto », qu’on peut traduire littéralement « Docteur Esperanto » c’est-à-dire « celui qui espère ».

Définition :

  • Yiddish = Langue parlée par de nombreux Juifs d’Europe de l’Est, mélange d’allemand, d’hébreu et de langues slaves.

 

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2 – Une langue, des symboles

L’espéranto a ses propres symboles :

  • Un drapeau vert avec une étoile blanche à cinq branches (représentant les cinq continents). Le vert symbolise l’espérance. Il n’existe pas de costume traditionnel officiel, mais lors de rassemblements, les espérantistes arborent souvent des vêtements verts ou ornés de l’étoile.

Drapeau de l’esperanto

 

  • Un hymne, La Espero, écrit par Zamenhof lui-même et mis en musique.

 

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3 – L’histoire d’une langue qui traverse les époques

Dès sa création, l’espéranto connaît un certain succès mais la langue a aussi eu ses ennemis.


> Quand parler espéranto devient un acte de résistance !

Bien que créée pour favoriser la paix, l’espéranto a été persécutée dans certains pays. Les régimes autoritaires, qui imposaient une pensée unique, voyaient cette langue internationale, égalitaire et neutre comme une menace. Voici quelques exemples.

Hitler évoque l’espéranto dans Mein Kampf (1925) comme une « langue de juifs », car Zamenhof était juif. Le régime nazi interdit progressivement les clubs espérantistes. En 1936, l’association allemande d’espéranto est dissoute. Plusieurs espérantistes sont persécutés, notamment ceux qui étaient juifs, communistes ou pacifistes.
En URSS, sous Staline, dans un contexte de purges politiques, de nombreux espérantistes soviétiques sont arrêtés, envoyés au goulag ou exécutés. On les soupçonne de collaboration avec l’étranger, car l’espéranto permettait de communiquer avec des personnes hors du pays. En 1937, l’Union soviétique des espérantistes est dissoute.
En Espagne, sous la dictature de Franco, l’utilisation publique de l’espéranto est également restreinte, car jugée subversive. Les mouvements espérantistes sont surveillés.

 

Définitions :

  • Pensée unique = Idée imposée par un pouvoir qui empêche les opinions différentes.
  • Subversif = Qui cherche à renverser un ordre établi.
  • Goulag = Camp de travail soviétique, souvent en Sibérie, pour les prisonniers politiques.

 

 

> Quand l’espéranto unit au lieu de diviser

Heureusement, l’histoire de l’espéranto, c’est aussi celle de projets humains et pacifistes qui ont pu voir le jour grâce à cette langue commune.

Depuis 1905, des congrès mondiaux de l’esperanto réunissent chaque année des milliers de personnes de tous les continents. Ils permettent aux participants d’échanger sans interprète : conférences, concerts, débats, jeux, activités jeunesse… tout se fait en espéranto.
Le premier congrès a eu lieu en France, à Boulogne-sur-Mer, en 1905 (voir photo ci-dessous). La place est devenue la place Zamenhof !
Le congrès de
Helsinki (1969) a accueilli plus de 2000 participants de 60 pays en pleine guerre froide !

 

Premier congrès international de l’Esperanto en 1905 à Boulogne-sur-Mer

 

Boulogne-sur-Mer, statue de Zamenhof

 

Place Zamenhof à Boulogne-sur-Mer

 

Congrès de 1911 à Anvers (Belgique)

 

Après la Seconde Guerre mondiale, des associations espérantistes ont aidé à reconnecter les peuples divisés. Par exemple, l’Association mondiale d’espéranto (Universala Esperanto-Asocio, ou UEA) qui collabore avec l’UNESCO.
Dans les années 1980-1990, des espérantistes ont organisé des échanges culturels et des collectes pour des pays d’Afrique ou d’Europe de l’Est en difficulté, en utilisant l’espéranto pour coordonner les actions à l’échelle internationale.
Des réseaux comme TEJO (Organisation mondiale de jeunesse espérantiste) organisent encore aujourd’hui des campagnes de sensibilisation à l’écologie, à la paix, ou aux droits humains dans plusieurs langues, dont l’espéranto. Leurs membres viennent du monde entier.

 

Affiche espérantiste

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