Sur la photo, Lucien pose avec son camarade allemand Paul Posern : ils pédaleront ensemble jusqu’en URSS avant de se séparer. A droite, une photo des carnets de notes de Lucien, en sténo.
En 1928, l’Allemagne et l’Autriche se remettent doucement de la Première Guerre mondiale, qui s’est terminée en 1918. Ces deux pays ont connu des années très difficiles après la guerre : manque d’argent, pénuries de nourriture, troubles politiques… Mais en 1928, la situation s’est un peu stabilisée.
Sommaire
1 – Contexte politique en Allemagne
Jusqu’en 1918, l’Allemagne était un empire dirigé par le Kaiser Guillaume II. Il possédait une grande armée, un empire colonial et un pouvoir autoritaire. Mais après la défaite de la Première Guerre mondiale, tout s’écroule : l’empereur abdique et s’enfuit aux Pays-Bas, la monarchie est abolie et une république démocratique est proclamée à Weimar. C’est le début de la République de Weimar.
Les premières années sont très dures : inflation énorme, misère, violences politiques. Mais à partir de 1924, les choses s’améliorent. En 1928, l’Allemagne semble avoir retrouvé un peu de stabilité économique. On appelle cette période les « années dorées de Weimar », bien que les tensions sociales et politiques soient encore fortes.
Ci-dessus, à gauche : en 1923 l’inflation est telle qu’il faut une brouette de billets pour acheter une baguette ! A droite : des enfants jouent avec une montagne de billets. Les gens brûlaient aussi les billets pour se chauffer… La situation s’est nettement améliorée lorsque Lucien arrive en Allemagne.
La vie quotidienne des Allemands
Dans les grandes villes comme Leipzig ou Berlin, la vie devient plus moderne. Les tramways circulent, les gens vont au cinéma et les vitrines des magasins s’illuminent. Beaucoup d’Allemands se déplacent à vélo, un moyen de transport économique et pratique.
Mais tout le monde ne vit pas dans le confort. Dans les quartiers ouvriers, les logements sont souvent petits, avec peu de chauffage. À la campagne, la vie reste dure : les paysans travaillent à la main, sans machines modernes.
2 – Contexte politique en Autriche
Avant 1918, l’Autriche faisait partie du vaste Empire austro-hongrois, dirigé par les Habsbourg. L’empereur François-Joseph Ier régna pendant près de 70 ans, jusqu’en 1916, puis son neveu lui succéda. À la fin de la Première Guerre mondiale, cet empire éclate et l’Autriche devient une petite république. Elle perd ses anciennes provinces (comme la Hongrie, la Bohême, la Galicie…) et reste centrée sur Vienne, sa capitale, autrefois cœur d’un empire, désormais capitale d’un pays beaucoup plus modeste.
En 1928, le pays cherche à retrouver une stabilité économique et sociale. Les tensions entre les partis politiques sont vives.
Le Café Central de Vienne : un lieu d’idées et de rencontres
Parmi les nombreux cafés de Vienne, le Café Central occupe une place à part. Fondé en 1876 dans un ancien palais viennois, ce café devient dès la fin du XIXe siècle un véritable foyer intellectuel. En 1928, il est toujours un lieu essentiel de la vie culturelle de la capitale autrichienne.
On y vient pour bien plus que boire un café : c’est un espace où les écrivains, journalistes, artistes, scientifiques et hommes politiques se retrouvent pour échanger des idées, lire, écrire ou simplement observer le monde. Les clients s’installent pour de longues heures sur les banquettes en velours, autour de tables en marbre, entourés de miroirs, de lustres et de hauts plafonds qui donnent au lieu une atmosphère élégante et un peu théâtrale.
Le Café Central est célèbre pour avoir accueilli des personnalités comme Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse ou Léon Trotski, révolutionnaire russe. On pouvait y lire les journaux du monde entier, jouer aux échecs, débattre de philosophie, de politique ou de littérature. Ces discussions étaient souvent passionnées, car l’Autriche traversait une période difficile, marquée par les conséquences de la Première Guerre mondiale et de la chute de l’empire austro-hongrois.
3 – Foisonnement artistique
Peinture : un miroir dur et honnête de la société
De nombreux peintres allemands choisissent de montrer la réalité telle qu’elle est, sans la maquiller. C’est le courant de la « Nouvelle Objectivité ». Son principal représentant se nomme Otto Dix. Dans le tableau qui suit, il montre un ancien soldat mutilé, sans jambes, vendant des petites maisons en allumettes dans la rue. Autour de lui, des passants l’ignorent. La scène est dure, peinte avec beaucoup de détails et montre la cruauté du quotidien après la guerre.

Le marchand d’allumettes, Otto Dix
Le Bauhaus : art, design et architecture du futur
À Dessau, une ville située entre Leipzig et Berlin, se trouve une école d’un genre nouveau : le Bauhaus.
Fondée en 1919, elle veut mélanger art et artisanat, créer des objets beaux, simples, fonctionnels. En 1928, c’est l’âge d’or du Bauhaus.Parmi ses créations célèbres :
- La chaise Wassily, conçue par Marcel Breuer, faite de tubes métalliques et de toile, légère et moderne.
- La lampe Wagenfeld, en verre et métal, avec des lignes pures, qui deviendra un modèle du design.
- Les bâtiments du Bauhaus à Dessau, avec leurs murs en verre et leur forme géométrique.
Le cinéma : entre rêve et cauchemar
L’Allemagne des années 1920 est aussi une grande puissance du cinéma muet. En 1927, le réalisateur Fritz Lang a sorti un film très célèbre Metropolis : un film de science-fiction qui imagine une ville du futur (en 2026 !), avec des machines géantes, des robots et une société divisée entre riches et pauvres.
Dans le film, les ouvriers vivent sous terre, tandis que les dirigeants profitent du luxe en haut des tours. Les décors sont impressionnants, tout est construit à la main, avec des maquettes et des jeux de lumière. C’est un film très en avance sur son temps, qui pose la question : peut-on faire confiance à une technologie sans cœur ? Ci-dessous, la bande annonce.
4 – Au bal avec Lucien !
Dans son carnet de voyage, Lucien nous raconte que Paul l’emmène au bal, en Allemagne. Voici quelques chansons d’époque sur lesquelles ils ont pu danser ! L’ambiance d’un bal musette allemand en 1928 pouvait mélanger des styles : valse lente, tango, polka, fox-trot, voire des marches légères. L’accordéon, typique des bals musette français, était moins courant en Allemagne, mais on utilisait parfois le bandonéon, surtout dans les régions proches de la Pologne ou de l’Autriche. Les paroles des chansons étaient souvent simples, légères, tournées vers l’amour, la nature ou la danse.
Ich küsse Ihre Hand, Madame = Je baise votre main, Madame
Dans cette chanson très célèbre des années 1920, un homme s’adresse à une femme élégante. Il ne lui parle pas d’amour passionné, mais lui fait une déclaration discrète et galante. Le style musical est proche d’une valse lente. Cette chanson était souvent jouée dans les bals chics.
Veronika, der Lenz ist da = Véronique, le printemps est là
Une chanson pleine de bonne humeur, où l’on célèbre l’arrivée du printemps. Tout refleurit, les filles sont jolies, et les garçons sourient. Le ton est joyeux, presque comique.
Einmal möcht’ ich keine Sorgen haben = Une fois, j’aimerais n’avoir aucun souci
C’est une chanson un peu nostalgique. Elle parle du rêve de vivre un jour sans inquiétude, sans dettes, sans guerre. Elle reflète bien l’état d’esprit de nombreux Allemands après les années de crise.
Wat braucht der Berliner, um glücklich zu sein = De quoi le Berlinois a-t-il besoin pour être heureux ?
Dans cette chanson pleine d’humour, Claire Waldoff dresse un portrait attachant du Berlinois moyen. Elle pose la question : qu’est-ce qu’il lui faut, à ce Berlinois, pour être content de sa journée ? La réponse : pas grand-chose ! Un peu de soleil, un verre de bière, une jolie fille, un coin tranquille… Le Berlinois n’est pas compliqué : il aime les plaisirs simples, la bonne humeur, les petites discussions, et surtout : rester lui-même.
5 – A table !
La cuisine allemande : simple et nourrissante
La viande et les féculents sont au cœur de l’alimentation. Les repas sont souvent préparés à la maison, avec les moyens du bord. Dans les villes, on trouve aussi des cantines ouvrières, des marchés en plein air et de petits restaurants où l’on peut manger une assiette chaude à bas prix.
Voici quelques plats typiques :
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Eisbein mit Sauerkraut : un jarret de porc bouilli, servi avec de la choucroute (chou fermenté acide), un plat très populaire dans toute l’Allemagne.
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Kartoffelsalat : une salade de pommes de terre, souvent accompagnée de cornichons, d’oignons et de vinaigre.
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Spätzle : petites pâtes faites maison, parfois mélangées avec du fromage fondu.
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Schwarzwälder Kirschtorte (Forêt noire) : gâteau au chocolat, crème et cerises à l’eau-de-vie.

Forêt noire
La cuisine autrichienne : riche, chaleureuse et gourmande
Elle mélange des influences allemandes, hongroises, tchèques et italiennes. Parmi les plats typiques en 1928 :
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Wiener Schnitzel : escalope de veau panée, dorée à la poêle, servie avec citron et pommes de terre.
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Tafelspitz : bœuf bouilli, servi avec légumes, raifort et sauce au pain.
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Sachertorte : gâteau au chocolat avec une fine couche de confiture d’abricot, inventé à Vienne.
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Apfelstrudel : pâte fine roulée aux pommes, cannelle et raisins secs.
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Kaiserschmarrn : crêpe épaisse coupée en morceaux, caramélisée, servie avec compote.

Wiener Schnitzel